![]() ![]() |
UB- Préhistoire Le site de Préhistoire de l'Université de Bourgogne Cours en ligne Licence 3 - Néolithique européen |
||||||||||||||
![]() |
|||||||||||||||
![]() |
|||||||||||||||
|
|||||||||||||||
![]() |
|||||||||||||||
![]() |
|||||||||||||||
Néolithique européen Cours 14 : Domestication des animaux et élevage au Néolithique
|
![]()
Toujours dans la série passage à l’économie de production, nous voyons donc aujourd’hui ce qui concerne la domestication animale et l’élevage au Néolithique. Je vais donc reprendre un certain nombre de choses. Et je commencerai par vous mentionner la question du statut des animaux domestiques. Tout d’abord, il existe des degrés de domestication différents et le statut des animaux domestiques peut être très différent, selon les animaux et selon les sociétés qui les exploitent. Il y a même des cas très complexes, par exemple avec les lapons qui pratiquent un élevage extensif de rennes et qui chassent cette même espèce. Ensuite, il faut que vous sachiez que le statut d’animal domestique est réversible : le retour à l’état sauvage s’appelle le marronnage, comme c’est le cas pour le mouflon corse. Voyons maintenant quelques définitions concernant les relations entre les animaux et plus précisément entre les animaux et l’homme : le commensalisme : il s’agit de la réunion volontaire d’un animal vivant avec un autre sans se nourrir à ses dépens (ce serait du parasitisme), donc sans le faire souffrir ni le gêner. Il ne demande qu’un abri ou une protection. Cette situation a probablement existée bien avant que les hommes n’envisagent d’élever des animaux pour se nourrir. (souris, peut-être chien, cheval, ce ne sont pas leurs qualités bouchères qui ont intéressé les hommes). l’apprivoisement : se rapporte à des caractéristiques comportementales acquises au niveau individuel ; il se traduit par une diminution de la distance de fuite de l’animal ; caractéristiques non transmissibles. On peut apprivoiser un animal sans que cela entraîne des modifications de l’espèce. La domestication : appropriation et le contrôle d’une population animale par une société humaine, pour la production d’un service ou d’une matière 1ère. Voyons maintenant rapidement ce qu’entraîne la domestication, ce que sont ces principaux effets : Il s’agit de modifications génétiques au niveau du nombre de paires de chromosomes. Nous en avons 23 paires je crois. Il s’agit aussi de modifications comportementales concernant la structure sociale, l’utilisation de l’espace et bien entendu le mode de vie. Ainsi la structure des populations sauvage va être transformée par l’homme qui va l’adapter à ses besoins en séparant les classes d’âges, en réduisant le nombre de mâles aux seuls reproducteurs nécessaires… Il s’agit encore de modifications fonctionnelles qui vont dans le même sens de l’adaptation aux besoins de l’éleveur, comme l’augmentation de la taille et du poids (actuellement après des millénaires de sélections), le changement du nombre de petits par naissance et la périodicité de la reproduction. Il s’agit enfin d’autres modifications anatomiques, mais non recherchées par l’homme comme la diminution du poids et du volume de l’encéphale pouvant être importante (jusqu’à 40 % entre sanglier et cochon). Mais aussi d’une diminution des sens, surtout du sens olfactif. De plus l’homme agit comme un filtre entre l’animal et la nature entre guillemets, les conditions de nourriture, d’environnement… Comment peut-on mettre en évidence la domestication : Et bien en fonction de toutes ces différences qui apparaissent entre les espèces sauvages et domestiques. La baisse de la taille chez les animaux est dans un premier temps un marqueur de la sélection humaine. On étudiera donc la taille. La forme des chevilles osseuses chez les bêtes à cornes es aussi étudiée et permet de déterminer la forme domestique de la forme sauvage. Mais, en archéologie, on met en évidence aussi les zones de parcages (étable, bergerie…) à partir d’analyses sédimentologiques par exemple. Venons en maintenant à l’histoire de la domestication animale. Par ordre d’apparition à l’écran, on l’a déjà vu, c’est le chien qui est le premier animal domestique, dès le tardiglaciaire. C’est l’animal domestique des chasseurs-collecteurs. Cette domestication est attestée au Proche Orient et en Europe dès le Paléolithique Supérieur entre 18000 et 12000 avant notre ère. Mais il est probable que des domestications similaires aient eu lieu aussi bien en Asie qu’en Amérique du nord et c’est aussi à cette période que le Dingo est introduit en Australie. Ce qui est important pour nous ici, c’est que la domestication du chien n’a pas entraîné d’autres domestications animales pour toutes ces populations de chasseurs-collecteurs du Paléolithique. Il faut attendre la période néolithique pour que les domestications apparaissent réellement pour d’autres espèces, généralement avec un petit temps de retard sur le développement de l’agriculture. Tout d’abord, évidemment à l’échelle de planète, et comme c’était le cas pour les espèces végétales, la domestication des animaux dépend selon les régions des espèces présentes localement à l’état sauvage. Il en résulte une grande diversité d’espèces domestiquées. Evidemment, c’est le Proche Orient qui constitue l’un des foyers très précoces et très prolifiques en matière de domestication. Mais une domestication du bœuf est aussi envisagée en Afrique du nord (région du Nil) vers 7000 avant. Hypothèse discutée mais pour laquelle plaident certains indices génétiques. Le Zébu domestiqué à partir de l’aurochs comme le bœuf apparaît dans la vallée de l’Indus vers 7000-6500. Il s’agit d’une domestication locale mais on ne sait pas si cela correspond à une idée nouvelle localement ou à une transmission de savoirs à partir du Proche Orient. Si on s’éloigne encore, on peut attester cette fois d’une domestication pleinement autonome du porc en Chine autour de 6000 et sans doute plus tôt. Dans ces régions, il faut aussi mentionner la domestication du coq peut-être en Chine et de façon indépendante en Inde au IVe millénaire. En Amérique, je vous avais déjà mentionné la domestication du lama et de l’alpaca vers 5000 dans les Andes et celle du Cochon d’Inde au IIe millénaire, il faut aussi mentionner celle du canard de Barbarie toujours au IIe millénaire. En Amérique du nord, on peut mentionner la domestication du dindon, dans l’ouest peut-être vers 1000 avant notre ère. Enfin l’Europe ne livre qu’un seul animal domestiqué localement, à l’exception peut-être du chien à une époque ancienne, c’est la domestication du lapin qui ne date en fait que du XVIe siècle. Voilà pour un rapide tour du monde des principales domestications, venons en maintenant un peu plus en détail à la domestication des ongulés (chèvre, mouton, bœuf, porc) au Proche Orient. Les plus anciens indices d’élevage remontent donc au milieu du IXe millénaire et concernent une région réduite sur les versants méridionaux du Taurus oriental, région où les formes sauvages des espèces domestiquées étaient présentes. Il s’agit de :
Ces premiers indices se réduisent à peu de chose. Une diminution de la taille des animaux, plus nette chez les mâles qui tend à réduire le dimorphisme sexuel et un abatage sélectif ciblé sur les jeunes mâles. Vers 8200-8000, ces animaux sont transférés vers le sud et vers l’ouest où ils n’ont pas d’ancêtres sauvages, comme vers la Syrie. Vers l’Anatolie centrale, c’est plus difficile à prouver, il y avait des ancêtres sauvages. Mais rappelez-vous le cas de Chypres, où les 4 espèces sont introduites par l’homme et par voie de mer dès 8300-8200. Plus à l’Est, dans le Zagros, région de cultures différentes, la chèvre domestique apparaît un peu plus tard, vers 8000, sans que l’on puisse attester si cela résulte de contacts avec les premiers éleveurs où s’il s’agit d’une domestication sur place avec un temps de retard. La même question se pose pour les chèvres de Palestine septentrionale vers 8000. En revanche le mouton présent dans le Zagros iranien vers 7500 correspondrait à un transfert à partir des premières souches. Concernant l’Europe, l’histoire est courte. Encore une fois aucun indice probant de domestication sur place en Europe ne peut être retenu et les animaux domestiques semblent bien gagner l’Europe avec les colons néolithiques et se répandre à travers le continent au rythme de la croissance néolithique et dans certains cas des échanges avec les populations locales. Venons en maintenant aux techniques d’élevage et aux productions. Tout d’abord, nous ne savons que peu de choses des possibles sélections réalisées par l’homme au tout début de l’élevage. Les modifications anatomiques chez les animaux domestiques remarquées pour ces premiers temps, en particulier la transformation des cornes et la diminution de la taille des bêtes pourraient être des effets secondaires de la domestication liées à certains stress et certaines carences dus à la captivité, à la proximité de l’homme, au regroupement et à des défauts d’alimentation. Mais à partir de 7500, au PPNB récent, on assiste à une nouvelle diminution de taille chez le mouton par exemple qui est beaucoup plus sensible. Ce nouveau phénomène très généralisé est interprété cette fois comme le résultat d’une sélection intentionnelle visant entre autres choses à réduire les mâles les plus agressifs. Au IVe millénaire, apparaissent au Proche Orient d’autres sélections intentionnelles comme celle des moutons à poils fins qui donneront de la laine et celle des moutons à queue grasse. Mais il n’y aura pas d’apparition de races au sens que cela prendra au XIXe siècle de notre ère en Europe par exemple. Le seul cas où l’on peut parler de probable sélection de races est le chien pour lequel on connaît des races bien distinctes au Proche Orient puis dans l’Antiquité. Concernant la production, l’homme semble avoir très tôt travaillé pour contrôler les troupeaux. On avait évoqué le cas de chasses sélectives dès la fin du Pléistocène pour les natoufiens par exemple. Avec l’élevage, le contrôle du troupeau va s’effectuer à plusieurs niveaux : dans le nombre de bêtes évidemment, dans la proportion entre mâles et femelles où on va généralement privilégier les femelles à la fois pour leur docilité et pour leur production de lait ne gardant que quelques mâles pour la reproduction. Ce n’est pas ici un cours d’archéozoo. donc je vous dispense de la détermination des âges au décès. Reste que cet âge se détermine principalement par l’examen des dents. On peut donc restituer des profils d’abattage des troupeaux par les néolithiques. A partir de ceux-ci et de comparaisons ethnologiques, on détermine la composition du troupeau en matière de productions recherchées. Ainsi pour vous donner un exemple, on trouve dans les profils d’abattage des chèvres de la baume d’Oullen en Ardèche au Néolithique ancien cardial, un très fort pic d’abattage des très jeunes entre 0 et 2 ans. On pense d’abord à une mortalité infantile importante qui peut être écartée par les connaissances sur l’espèce et un examen détaillé des périodes d’abattage. On pense ensuite à un goût prononcé pour la viande des jeunes cabris mais dans ce cas, le troupeau ne serait pour ainsi dire par viable et la rentabilité nulle. Il faut en fait envisager que cet abattage précoce corresponde à une exploitation particulière du lait des chèvres auxquelles ont enlève tôt leurs petits. Ensuite, entre 2 et 4 ans sont abattues les chèvres que l’on dit « de réforme » car leur production de lait diminue sensiblement. Les profils d’abattage des moutons sont différents avec une exploitation identique du lait attestée mais bien moins importante et en revanche un très gros abattage entre 6 et 18 mois qui indique une production de viande. Les techniques de boucheries pour les animaux à viandes sont bien connues par l’étude des traces de découpe sur les vestiges osseux. Elles semblent correspondre à des traditions très élaborées où les techniques sont récurrentes et adaptées selon les régions, à chaque type d’animal depuis la découpe en gros quartiers jusqu’à la consommation. Il en va de même des traces de rôtissage et grillage. Longtemps, on a pensé que l’élevage était issu d’une volonté de production de viande et que l’exploitation du lait était secondaire et avait été découverte beaucoup plus tard. Concernant l’exploitation du lait, nous pensons inévitablement aux vaches car c’est aujourd’hui le lait le plus consommé. Parmi les pratiques d’élevage, on travaille aujourd’hui sur les questions de transhumances et d’estives. Au Proche Orient, on sait que le développement de l’élevage va entraîner le re-développement après la phase de sédentarisation, d’un nomadisme ou d’un semi-nomadisme lié à la conduite des troupeaux dans un environnement semi-aride. Enfin pourquoi la domestication animale ? Comme pour la domestication végétale, la question des motivations de la domestication animale reste d’actualité, fait l’objet de beaucoup de théories et de peu de consensus. En fait, il est évident que ces transformations répondent comme je vous l’ai déjà dit à une conjugaison de facteurs plutôt qu’à un seul et qu’il sera toujours difficile de faire la part entre tous ces facteurs. Les changements climatiques sont sans doute à l’origine de tout le processus, ne serait ce que parce qu’ils ont permis les premières sédentarisation, mais ce qui est important dans les idées de J. Cauvin c’est qu’il remet l’homme au centre du processus et non une simple mécanique environnementale et il est de plus en plus évident que c’est la culture, les choix humains, qui ont été le moteur de nombre de ces transformations, qui ont bénéficié par ailleurs d’une amélioration climatique, d’une évolution technique… Pour finir deux points : Tout d’abord comme j’ai évoqué la cueillette encore très importante chez les agriculteurs, pensez que la part de la chasse n’est pas forcément négligeable chez les éleveurs. Si la chasse n’a plus la place prépondérante qu’elle occupait chez les chasseurs-collecteurs comme leur nom l’indique, elle reste importante aussi bien dans les premiers temps de l’élevage que pour certains groupes. Par ailleurs celle-ci trouve une place complémentaire à l’élevage :
Dans tous les cas les motivations sont sans doute en grande partie non alimentaires. Enfin, la place de l’animal dans le symbolisme du Néolithique est tout à fait particulière, s’il est vrai que la représentation animale était importante au Paléo dans les grottes ornées, sous une forme naturaliste et que les représentations humaines vont se développer avec le Néolithique, les représentations animales semblent elles aussi évoluer sans que l’on puisse toujours comprendre ce que cela traduit. Le cas est patent pour le site de Catal Hoyuk en Anatolie que nous avons déjà vu avec ces sanctuaires décorés de bucranes. Et cela se poursuivra dans le temps dans différentes sociétés d’éleveurs comme ici l’un des cas les plus célèbres avec la nécropole de la culture ou du royaume de Kerma au soudan aux IIIe et IIe millénaire. Quelques références bibliographiques BROCHIER J.E. (2005) – Des hommes et des bêtes : une approche naturaliste de l’histoire et des pratiques d’élevage, in : GUILAINE J. (Dir.) : Populations néolithiques et environnements. Séminaires du Collège de France, Paris : Errance, 2005, p. 137-152. GAUTIER A. (1990) – La domestication. Et l’Homme créa l’animal, Paris : Errance, 1990. VIGNE J.-D. (2000) – Les débuts néolithiques de l’élevage des ongulés au Proche Orient et en Méditerranée : acquis récents et perspectives, in : GUILAINE J. (Dir.) : Premiers paysans du monde, Naissance des agricultures, Séminaires du Collèges de France, Paris : Errance, 2000, p. 143-168. VIGNE J.-D. (2004) – Les débuts de l’élevage, Paris : Editions le Pommier, 2004, 191 p. (Le Collège de la Cité). VIGNE J.-D. (2005) – Maîtrise et usages de l’élevage et des animaux domestiques au Néolithique : quelques illustrations au Proche-Orient et en Europe, in : GUILAINE J. (Dir.) : Populations néolithiques et environnements. Séminaires du Collège de France, Paris : Errance, 2005, p. 87-115. Liens sur internet http://blaise.archeozoo.free.fr/blaise-index.htm |
||||||||||||||
![]() |
|||||||||||||||